Amérique centrale : Le peuple Garifuna

Publié le 13 Juin 2012

Les garifunas

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Peuple afro-caraïbe qui vit en Amérique centrale et se partage dans les pays suivants :

–        Honduras : 300.000 personnes

–        Guatemala : 5000 personnes

–        Belize : 10.000 personnes (voir un peu plus)

–       Nicaragua : 4000 personnes

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Le nom

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Il vient de la racine arawak «  karina » qui s’est transformée et est devenue ‘callinagu, garinagu et karifouna ».

Le mot garifuna veut dire « mangeur de manioc ».

On écrit garifuna au singulier et garinagu au pluriel.

Le mot garifuna sert à désigner l’ethnie lorsqu’il est écrit avec une majuscule, et la langue lorsqu’il est écrit avec une minuscule.

Les espagnols les appelaient « caribes » ( cannibales), mot qui deviendra le nom des Caraïbes désignant la région.

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La langue : Le garifuna du groupe linguistique arawak

Adoptant comme langue un idiome amérindien de la grande famille arawak, le parler des descendants africains a fini par donner naissance à ce qui est aujourd’hui reconnu comme la langue garifuna.

Si elle contient bien quelques éléments du français, assez différents du créole parlé dans d’anciennes enclaves françaises comme Haïti ou la Martinique, et d’autres langues comme l’espagnol, le garifuna est unique et est toujours principalement amérindien.

Elle est encore parlée au Honduras, à Belize, au sud-est du Guatemala et dans les centres urbains du Nicaragua.

70% de la population garifuna est illettrée ou semi-illettrée, beaucoup d’enfants délaissent leurs études entre la 3e et la 6e année du primaire.

En commerçant avec les français, les Garifunas ont aussi incorporé des mots de la langue française (¨weru¨: le verre ; ¨asíedu¨: l’assiette), et comptent en vieux français. Aujourd’hui, les Garifunas du Honduras communiquent principalement en espagnol, mais des programmes scolaires et la musique en Garifuna tentent de maintenir cette langue vivante.

Histoire

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–        XVIe siècle : Dans les petites Antilles, au moment de la colonisation, les esclaves noirs devinrent nécessaires aux yeux des colons et ils en importèrent d’Afrique. Les îles de St Vincent et de la Dominique étaient négligées par les espagnols et elles étaient habitées par des amérindiens d’origine arawak qui tinrent longtemps tête aux britanniques et aux français.

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 Village caraïbe image Blofeld Dr.

–        1635 : Naufrage de deux navires négriers au large de l’île de St Vincet (Yurumein). Des esclaves réussissent à échapper à la mort et se réfugient à St Vincent où les arawaks (caraïbes) les accueillent. Ces caraïbes de la tribu des kalipuna permettent donc aux africains de s’établir sur l’île. Les mariages entre arawaks et africains se font et la réputation de Yurumein se répand dans les Antilles en tant que « paradis » pour les esclaves marrons. Le fruit des mariages entre africains réfugiés et caraïbes produit les caraïbes noirs ( black karibs ou caribes negros) en opposition aux caraïbes rouges ( les arawaks). Les caraïbes noirs ou garifunas se métissèrent, adoptèrent la langue des caraïbes rouges mais aussi leur culture et leur mode de vie.

–        1660 : Les français débarquent. Un traité franco-anglo-caraïbe leur donne la propriété des îles de la Dominique et St Vincent.

–        1700 : Division entre les caraïbes noirs et rouges, les caraïbes rouges autorisent les français à établir des colonies en 1719. Décimés par les guerres et les maladies, les caraïbes rouges disparaissent et les caraïbes noirs seront leurs uniques héritiers.

–        Entre 1763 et 1783 : Dispute entre britanniques et français pour le contrôle de St Vincent alors que St Vincent et la Dominique sont des îles « neutres ». Les britanniques tentent de s’emparer de force de l’île mais les caraïbes noirs se révèlent de bons guerriers et les repoussent.

–        1782 : Le traité de Versailles accorde aux anglais la possession de St Vincent, les garifunas sont livrés à leurs pires ennemis.  C’est le début des plantations de cannes à sucre et arrivée d’esclaves africains qui sont mis en place par les britanniques. Les français poussent les garifunas à s’opposer à la colonisation britannique.

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–        1796 : Les garifunas sous les commandes du chef Joseph Chatoyer repoussent les britanniques le long de la côte ouest de Kingstown. Lorsque le chef Chatoyer est tué, les garifunas sont vaincus peu de temps après. Les britanniques ne peuvent tolérer que des noirs puissent vivre libres sur cette île comme des blancs. Ils pourchassent donc tous les garifunas, les emprisonnent, brûlant au passage les maisons et tuant les résistants.

–        15 juillet 1796 : Henry Dundas, secrétaire d’état britannique à la guerre ordonne de transporter 4300 prisonniers garifunas sur l’île déserte de Baliceaux dans les Grenadines. La moitié d’entre eux meurent de la fièvre jaune à cause des terribles conditions de transport et du manque d’alimentation.

–        26 octobre 1796 : déportation des garifunas afin d’éviter toute nouvelle résistance. 5080 garifunas embarquent et arrivent sur l’île de Roatan sur les côtés du Honduras.

–        11 avril 1797 : Ce ne sont que 2248 garifunas qui débarqueront à Roatan, sur les 5080 partants, les autres ayant péri au cours du transport. Les garifunas restés sur l’île de St Vincent sont conduits dans les colonies pour travailler au nord de l’île, leurs descendants y habitent toujours. Les garifunas de Roatan n’y restèrent pas plus d’une décennie. Avec leurs qualités de marins ils se fabriquèrent des pirogues et se dispersèrent sur les côtés du Belize, du Honduras et du Nicaragua pour devenir de petites communautés minoritaires.

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De nos jours, tous les garifunas qui vivent en Amérique centrale ont conservé leur langue er leur culture mais ceux qui se réfugièrent au cours du XXe siècle aux Etats-Unis (100.000) ont perdu leur langue.

Garifunas au Guatemala

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En 1802, des Noirs libres issus de Saint-Vincent et de Saint-Domingue, îles de la Caraïbe échappant alors à l’influence française, fondent la ville de Livingston, sur la côte atlantique du Guatemala, en plein territoire espagnol. Encore aujourd’hui, leurs descendants, les Garifunas, rappellent régulièrement dans les rituels ne devoir leur survie en Amérique centrale qu’à la résistance première des ancêtres, menée aux Antilles (xviie-xviiie siècles). En retraçant cette histoire, nous constaterons que derrière « l’arbre » de la fondation de Livingston, au Guatemala, se cache une « forêt », celle effectivement d’hommes qui luttèrent pour la terre et la liberté, en étant impliqués directement et dans la continuité, des Révolutions française et haïtienne (1791-1804), aux indépendances du Nouveau Monde. En confrontant cette histoire reconstruite à partir de documents écrits extraits des archives du Guatemala, de Cuba et de Guadeloupe, avec l’histoire orale et les rituels des Garifunas aujourd’hui, il est également apparu que ce passé de résistance reste de nos jours central pour l’unité et le contrôle de l’ensemble du groupe : après enquêtes sur le terrain, il s’avère que les trois fondateurs de Livingston identifiés, impliqués dans les soulèvements aux Antilles contre les colons il y a plus de deux cents ans, détiennent toujours aujourd’hui le contrôle sur la terre et le culte des ancêtres garifunas à travers leurs descendants directs d’Amérique centrale.

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  Livingston, en pays garifuna (image)

Livingston, au nord-est du Guatemala, est « la ville noire » du pays. Les Garifunas, installés en Amérique centrale depuis 1797, sont environ cinq mille au Guatemala, principalement répartis à Livingston. Ils ne représentent que 0,05 % de la population totale du pays. À part eux, il ne reste guère de « trace » africaine au Guatemala : les descendants d’Africains, introduits eux comme esclaves dès le début du XVIe siècle au Guatemala, ne sont plus identifiés comme tel. Les esclaves se sont métissés avec les Blancs et les Indiens. …
Mais la différence fondamentale est aussi là : les Garifunas sont arrivés libres à la fin du XVIIIe siècle sur le sol d’Amérique centrale, tandis que les Africains déportés près de trois siècles avant eux, étaient enchaînés.

Mode de vie

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Les travaux agricoles et les activités d’intérêt commun sont aujourd’hui encore réalisés par l’ensemble de la population. Même si la chefferie n’est évidemment pas reconnue par le gouvernement hondurien et si les villages garifunas dépendent de municipalités voisines qui détiennent le pouvoir administratif officiel, le chef coutumier et le conseil de village (les quatorze membres constituant le « patronato ») n’en conservent pas moins un rôle essentiel.

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La culture Garifuna est un excellent exemple de syncrétisme. Y domine l’élément amérindien, l’éducation des enfants étant entre les mains des femmes, lesquels étaient à l’origine en majorité Caraïbes. On notera comme traits principaux de cet héritage amérindien, par exemple, la couvade (pratique des Amérindiens de Guyane imposant au père, pendant la période de naissance d’un enfant, une série d’interdits sexuels, alimentaires, etc…), même si cette dernière est modifiée et ne connaît plus ni l’obligation de garder le lit (le hamac), ni l’obligation des mortifications (scarifications, etc…).

Le culte des ancêtres, nommé ¨Gubida¨, occupe une part importante de la vie quotidienne. Le shaman, appelé ¨Buyei¨, organise la vie spirituelle, rythmée par des cérémonies d’invocation des ancêtres. Les parents défunts rendent régulièrement visite aux vivants, apparaissant en rêve et demandant qu’on célèbre des fêtes en leur honneur. Lors de ces fêtes, les ancêtres incorporent les vivants pour délivrer leurs messages.

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Tout cela est mêlé à quelques apports africains et européens (chrétiens) dans un syncrétisme qualifié de « fusion culturelle », tant il est difficile d’en « discerner les éléments constitutifs ».

Leurs caractéristiques raciales et leurs particularités culturelles, différentes de celles des Amérindiens du continent, les ont exposés jusqu’à nos jours à une évidente ségrégation. Jusqu’à une période très récente, ils n’avaient pas le droit de franchir la limite du plateau et devaient, au Honduras, rester sur la côte où les hasards de l’histoire les avaient fait échouer. Ils ne font l’objet de quelque attention (notamment pour leur scolarisation, qu’ils perçoivent de nos jours comme un danger dans la mesure où elle menace leur langue) que depuis peu d’années et ils demeurent aujourd’hui encore victimes de quelques mépris.

Objet de curiosité touristique, ils vivent des produits de la pêche et de leurs activités artisanales, notamment à partir des coraux et des fibres de palmiers.

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Alimentation

Les aliments traditionnels sont basés autour du poisson, du poulet,du manioc et des bananes plantains. Les repas bien souvent sont riches et copieux. La base de l’alimentation est le manioc. Il est transformé en pain, qui est servi a la plupart des repas, en dessert et même il sert à faire du vin.

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 Le tapado, spécialité garifuna du Guatemala (image)

Danses, chants et musique garifuna : Classées au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO en 2008

La musique, la danse et la langue des Garifunas ont été proclamées « Patrimoine Culturel immatériel de l’humanité » par l’UNESCO en 2001 et inscrites en 2008. Cette reconnaissance internationale est une fierté pour les Garifunas, très attachés à leur culture.

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La punta image

Les musiques Garifunas sont le reflet d’un métissage culturel unique, où les héritages africains, amérindiens et européens s’entremêlent. Si les tambours et les chants responsoriaux viennent d’Afrique, le jeu des Maracas, de la Conque Marine et les chants sacrés a capella sont Amérindiens. Enfin, la guitare des colons espagnols, et même le « quadrille » dansé en France au XVIIe siècle font partie de la culture Garifuna.

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Parmis les nombreuses expressions artistiques Garifuna, on trouve :

La punta est dansée pendant les veillées funéraires. Festive et enjouée, la punta célèbre la vie au rythme des hanches des femmes.http://www.youtube.com/embed/-_zhq2cZIJ0

– Le mascaro est une danse guerrière masquée où l’homme bondit devant le tambour pour lui dicter le rythme.http://www.youtube.com/embed/x4wYnuFhKMI

La Parranda, mêle rhythmes des tambours et guitarre espagnole pour chanter la mélancolie ou la douceur de vivre.

Aujourd’hui, les musiques commerciales venues des Etats-Unis occupent une place croissante dans le paysage sonore. Les anciens sont souvent les derniers à connaître les chants en Garifuna. En voyageant dans les villages, on ressent le choc frontal entre les héritages ancestraux et les musiques étrangères, présageant d’un futur incertain pour les traditions musicales Garifunas.http://www.youtube.com/embed/sIIN0-Gaacs

Les instruments de musique

Les instruments de musique sont plus que de simples objets. Ils sont le fruit du travail de générations de musiciens et d’artisans, qui ont sélectionné des matériaux et développé des techniques complexes pour créer le son qui leur ressemble.

Les instruments traditionnels Garifunas sont réalisés uniquement avec des matériaux naturels, trouvés dans la mer et dans la forêt, et reflètent les héritages africains et amérindiens.

instruments-4.jpg       Photographies: Alice Raulo (Honduras, 03/2010)

La Conque marine « Caracol » est rapportée par les pêcheurs. A l’origine, elle était utilisée pour transmettre des informations dans le village. Aujourd’hui, elle est jouée dans les musiques traditionelles comme la Punta.

La Carapace de tortue donne la base rythmique, de même que la « clave » dans la musique cubaine. La chasse de la tortue étant aujourd’hui interdite, les artisans construisent des équivalents en bois.

Les Maracas sont d’origine amérindienne. Elles sont construites grâce à un fruit séché rempli de graines.

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Tambours garawon primero et segundo, conque marine, carapace de tortue, et sisiras (maracas) (photo d’Andrea Romay

Les Tambours sont des instruments très particuliers, qui rappellent l’héritage africain. Dans les cérémonies rituelles « Dügü », ils résonnent pendant des jours et nuits, et permettent d’appeler les ancêtres. Le tambourinaire doit alors être particulièrement résistant, car il doit maintenir la cadence afin que les esprits puissent rejoindre les vivants.

On compte cinq tambours différents chez les Garifunas. La « Primera » (soliste), la « Segunda » (base rythmique), le « Baqueteo », le « Requinto », et enfin le plus grand, utilisé pour les cérémonies des ancêtres, nommé « el  Mundo », le Monde.

Le fût est construit en bois de cèdre, d’avocatier, ou d’acajou. Avec une liane épaisse, on y fixe une peau de chevreuil, de chèvre, ou de veau. Des cordes de métal ou de soie sont tendues sur la peau des tambours « Primera » et « Segunda », détail qui donne une résonnance unique aux tambours Garifunas.

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 Enfants garifunas à Belize, image

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 Enfants garifunas au Honduras, image

Enfants garifunas au Guatemala, image

       

Caroleone

Sources : ulaval.ca, alterinfos, wikipédia, afrocaraïbes.fr, k.dog.free,Vidéos : Alice Raulo, Honduras, 03/2010

Article complémentaire

La danse, la musique et la langue des Garifuna

Les traductions pour le peuple Garifuna

Histoire des Garifunas (Les Caraïbes noirs)

Religion Garifuna

Dügü ou Walagallo. Cérémonie principale des Garífuna

Les esprits Garifuna

Garifunas organisés

OFRANEH.ORG, Organisation Fraternelle Noire Hondurienne

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