Guatemala/Mexique : Le peuple Ixil

Publié le 2 Octobre 2014

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Peuple indigène maya du département du Quiché dans les hautes terres de la sierra des Cuchumatanes au Guatemala.

Superficie 2313 km2

Population : 93.315 personnes (2002)

La région ixil comporte 3 villages traditionnels qui du fait de leur isolement ont permis à cette culture de rester encore vive.

Santa Maria Nebaj : C’est la plus grande municipalité qui regroupe 50.000 habitants mais 15 % vivent dans le village.

San Gaspar Chajul

San Juan Cotzal

Une petite partie des Ixiles habite au Mexique : 224 personnes au Quintana Roo et dans l’état de Campeche.

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Langue : ixil une langue maya

Ce peuple maintient depuis 500 ans une autorité maya ancestrale et conserve intacts son histoire, son archéologie, sa culture, sa langue, son art et l’organisation communautaire malgré les tentatives d’acculturation et de destruction dont il a fait les frais.

Ils vivent de l’agriculture traditionnelle avec pour principale cultures celle du maïs, des haricots, des pommes de terre, des courges et des fruits.

Leurs sources de revenus proviennent de l’artisanat textile des femmes et de la vente de leur force de travail dans les plantations.

Les femmes tissent encore avec un métier à tisser à sangle dorsale comme dans la tradition des huipils en coton blanc ou teinté et brodé de motifs inspirés de leur cosmovision : famille, oiseaux dont le colibri, des chevreuils, l’oiseau de l’argent Tzichin, l’oiseau du maïs, les réseaux, les montagnes, les quatre coins de l’univers.

La femme ixil à l’image de la déesse Ixchel qui tiss le cosmos sur son métier à tisser, à le devoir de tisser les rêves et l’avenir meilleur.

On peut avoir un aperçu du travail des femmes avec ce lien :

Artisanat des femmes de la coopérative tejidos Cotzal

Dans l’histoire

L’archéologie révèle que la région a été tôt peuplée :

 2e siècle après JC: période protoclassique : arrivée des premiers agriculteurs porteurs des traditions des hautes terres

– 250 à 1000 – période classique : influence de la civilisation maya des basses terres. Apogée du centre cérémoniel de Nebaj, présence de terrains de jeu de balle, de tombes à voûtes en encorbellement, de céramique polychrome et de bijoux de jade typiques des civilisations mayas. La société est très hiérarchisée et organisée certainement sur le modèle maya.

– 1000 à 1530 : période postclassique : replis après effondrement de la civilisation maya des basses terres. Morcellement politique, contact avec les centres historiques des quichés ou des cakchiquel.

– 1529 à 1600 c’est la période de conquête, d’acculturation et d’évangélisation

– 1529/1530 : conquête militaire

 1530/1553 : soumission sans acculturation notable

– 1553/1600 : conquête spirituelle et acculturation majeure.

– 1982/1983 : génocide ixil dans le département du Quiché par le général putschiste efraim rios montt et ses militaires : 15 massacres impliquant 1771 assassinats et le déplacement de 29.000 personnes.

La conquête de la région ixil ne sera entreprise qu’une fois la conquête des basses terres terminées : les quichés d’Utatlan sont soumis en 1524 par Alvarado ainsi que les pipil, les zutuhil. En 1525 ce sont les mam de Zaculeu, en 1528, les cakchiquel sont vaincus à leur tour.

La première campagne contre les ixil commence en 1529 avec la reddition de plusieurs centres indigènes dont Nebaj et Chajul. Les prisonniers sont réduits en esclavage.

La conquête spirituelle débute quand la population est concentrée dans les villes actuelles. Ce sont les dominicains qui se prêtent à la tâche avec les méthodes habituelles.

L’évangélisation s’accompagne de la formation de cofradias, des confréries de dévotion. L’organisation politique indigène est remplacée par des municipalités contrôlées par les religieux à la solde de l’administration coloniale. Les indigènes sont soumis au paiement d’un tribut, de la dime et de contributions versées aux caisses de communauté gérées par les religieux.

Les communautés ixil ont toujours été une importante main d’œuvre pour les plantations et le pouvoir local monopolisé par les contratistas (usuriers et commerçants ladinos parfois indiens au service des grands propriétaires) dans ces années-là, la guérilla s’installe au centre du pays ixil et dans l’Ixcan.

Leur réputation de rebelles leur vient du fait qu’ils sont restés fidèles à la tradition. Chajul est un centre de pèlerinage d’où viennent des personnes de toute la région maya.

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La répression, le génocide

Les ixil étaient historiquement hostiles à l’armée et suspectés d’être des soutiens de l’armée de guérilla des pauvres (EGP). De plus ils seront considérés par le gouvernement comme une race inférieure .

Le seul fait d’être ixil dans les années 1980/1982 faisait d’eux des victimes potentielles : parler ixil ou porter un vêtement traditionnel pouvait valoir la persécution ou l’exécution.

Pendant la dictature, tout sera mis en œuvre pour les faire disparaître et comme de fait 70 à 90 % de leurs villages ont été rasés et presque tout l’ensemble de la population a été déplacée dans les zones montagneuses.

Le prétexte du soutien à la guérilla n’était pas le seul à satisfaire l’ambition du gouvernement, il voulait également briser le mouvement d’émancipation indienne considéré comme une menace pour les ladinos et leur pouvoir en place.

Guatemala/Mexique : Le peuple Ixil
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image Gabayd

Reconnaissance du génocide puis annulation du jugement

Au Guatemala, le général Efrain Rios Montt a été condamné vendredi 10 mai 2013 par la justice à 80 ans de prison pour génocide et crimes de guerre. L’ancien dictateur était jugé depuis le 19 avril pour le massacre par l’armée de 1 771 Indiens de l’ethnie maya des ixiles dans le nord du pays, entre 1982 et 1983. Massacre mené pendant la politique de la terre brûlée, un régime de terreur appliqué aux communautés indiennes soupçonnées de soutenir les guérillas de gauche.

Lundi 20 mai 2013, la Cour constitutionnelle du Guatemala a annulé pour vice de procédure la condamnation de l’ex-dictateur Efrain Rios Montt à quatre-vingts ans de prison – cinquante ans pour génocide et trente ans pour crimes de guerre.

Cette décision annule toutes les procédures qui ont eu lieu après l’interruption temporaire du procès, le 19 avril, pour vice de procédure, ainsi que la condamnation prononcée le 10 mai, sans pour autant remettre en cause la légitimité du procès et les témoignages. On ignore dans l’immédiat si la procédure doit reprendre et si Rios Montt, 86 ans, restera en prison.

Reconnaissance du génocide des mayas ixil

Révoltant : annulation de la condamnation de rios monttLes terres convoitées

De nos jours, tout n’est pas encore tranquille pour ce peuple qui paya un lourd tribu à sa liberté car leurs terres sont convoitées pour l’exploitation industrielle, les grandes propriétés terriennes et des capitaux étrangers sans aucune concertation avec les peuples. L’état a vendu via le biais d’une finca à la multinationale ENEL des territoires ixil et leur impose la criminalisation, la force armée sans respecter les accords internationaux ni les lois des états ni les constitutions. ENEL est une compagnie électrique italienne partiellement privatisée qui détient 92% des parts d’endesa et qui est le principal fournisseur de courant en Italie.

Deux lectures pour ce peuple qui m’ont permis également d’écrire cet article très succinct :

Histoire et acculturation chez les indiens ixil du Guatemala de Pierre Becquelin

La guerre en terre maya : communauté, violence et modernité au Guatemala d’Yvon Lebot

Une autre lecture intéressante :

La grande révolte indienne d’Yvon Lebot

IXILES

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Traduction carolita de l’article de l’INPI (Mexique)

Auto-dénomination et tronc linguistique

Les locuteurs de l’ixil sont originaires des hautes terres du nord-ouest du département de Quiché, au Guatemala. L’Ixil appartient à la famille des langues mayas, qui comporte deux variantes.

Langue

L’ixil est une langue qui appartient à la famille maya, et qui est génétiquement très proche de l’awakateko. Il est parlé dans les états de Campeche et Quintana Roo au Mexique. Le dernier recensement effectué par l’INEGI en 2010 a enregistré 83 locuteurs. Il comporte deux variantes et toutes deux sont très menacées de disparition :

1. Ixilchajuleño/ Ixil (chajuleño)

2. Ixilnebajeño/ Ixil (nebajeño)

Localisation et zone écologique

Dans le Campeche, les Ixiles vivent à Los Laureles, Quetzal Edzná, municipalité de Campeche et Maya Tecún II, municipalité de Champotón. Dans le Quintana Roo, ils vivent à Kuchumatán et Maya Balam, dans la municipalité d’Othón P. Blanco.
Dans les communautés Ixiles de Campeche, le paysage est caractérisé par la présence d’un relief avec de petites ondulations et la formation de vallées comme l’Edzná. Les types de végétation prédominants sont les forêts et les pâturages induits. Le climat est chaud et sub-humide, avec une température annuelle moyenne de 26º C.
Les altitudes qui oscillent sont, à Othón P. Blanco, Quintana Roo, 250 mètres d’altitude, à Maya Balam, 40 m. Le climat est chaud et sub-humide, avec des pluies en été. La végétation se compose de forêts moyennes et hautes à feuilles persistantes et de forêts moyennes à feuilles caduques. La faune comprend des écureuils, des tatous, des coyotes, des iguanes, des ratons laveurs, des dindes sauvages, des cochons sauvages, des tepezcuintles, des ocelots, des cerfs et des renards.

Histoire

Vers 1980, à la frontière sud du Mexique avec le Guatemala, un processus de migration de la population guatémaltèque vers l’État du Chiapas a eu lieu, en raison d’un contexte de répression militaire dans ce pays. Certains membres du peuple Ixil faisaient partie de la population immigrée. Une fois installés au Mexique, les Ixiles ont abandonné leurs traits culturels, leurs vêtements et leur langue, comme une forme de protection.
Entre 1985 et 1986, au Chiapas, la relocalisation de la population réfugiée a été organisée, et celle-ci a été transférée et installée dans des camps dans les États de Campeche et Quintana Roo ; au fil du temps, les localités actuelles se sont formées, intégrées avec des populations appartenant à différents peuples, dont Ixil, Jakalteko, K’iche, Kanjobal et Q’eqchí’.
Depuis 1984, par l’intermédiaire de la Commission mexicaine d’aide aux réfugiés (Comar) et avec le soutien financier du Programme alimentaire mondial (PAM) et de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR), divers programmes ont été mis en œuvre pour aider cette population migrante dans des domaines liés à la santé, à l’éducation, à l’alimentation et au logement. En 1989, la possibilité d’un rapatriement volontaire de la population réfugiée a été évoquée. En 1996, diverses actions de soutien institutionnel ont été lancées, notamment le Programme de régularisation migratoire, le Programme de naturalisation et les programmes de régularisation du régime foncier, ainsi que l’incorporation dans les systèmes nationaux d’éducation et de santé des occupants des nouveaux centres de population.

Organisation sociale

Dans les communautés de réfugiés Ixiles, la famille reste l’axe fondamental de l’organisation sociale et économique.
Les premières générations maintiennent des liens familiaux avec leur pays d’origine par l’intermédiaire de parents qui se rendent au Mexique ou de voyages effectués par d’anciens réfugiés au Guatemala. Cette population a également été partiellement immergée dans le mode de vie de la société mexicaine, tandis que ses descendants ont pour la plupart intériorisé, par le biais de l’école et des médias, la culture mexicaine.
Les anciens réfugiés sont en train de suivre un processus d’intégration sociale. Dans certains cas, des liens de compadrazgo et d’union conjugale ont été établis entre guatémaltèques et mexicains, ainsi que des relations dans le cadre d’activités religieuses, notamment dans les églises chrétiennes. Des relations de travail et commerciales se sont également développées entre la population mexicaine et l’ancien réfugié.

Autorités

Chaque localité dispose d’un certain nombre de groupes, chacun d’entre eux ayant un représentant dont la responsabilité est de participer aux réunions hebdomadaires où sont discutées les questions relatives aux activités politiques, sociales, productives et culturelles de la localité.
Dans cette structure organisationnelle, l’élection d’un représentant général choisi lors d’une assemblée générale a lieu. Le mécanisme de sélection est très particulier : le jour de l’élection, les candidats sont placés côte à côte et devant eux l’urne (un chapeau) dans laquelle chaque personne majeure, homme et femme, dépose son vote, qui consiste en une petite feuille de papier portant le nom du groupe auquel elle appartient et qui est préalablement fournie par le représentant du groupe. Les villageois votent pour le candidat de leur choix. Lorsque tous les villageois ont voté, les votes sont comptés et affichés à la connaissance du candidat élu.
Le maire et l’agent municipal participent également à cette forme d’élection.

Religion et cosmovision

Dans les villages où les Ixiles sont installés, différentes religions sont professées, qui sont la religion catholique et l’évangélique, cette dernière comprenant les dénominations Pentecôtistes, Témoins de Jéhovah, Presbytériens, Princes de la Paix et croyants. Chacune de ces associations réalise ses cérémonies de prédication et d’évangélisation. De plus, dans chaque village, il y a des représentants des religieuses de l’ordre caritatif de « Las Carmelitas ».
Dans le Campeche, ils adorent le Soleil, ce qui consiste en ce que chaque matin, la famille et surtout le chef de famille, lorsqu’ils se lèvent, se dirigent vers le lever du soleil et, de manière cérémonieuse, ils remercient le « Père Soleil » pour son apparition puisqu’il est le guide qu’ils utiliseront pour se rendre à la parcelle, ce qui leur évitera de se perdre ou de subir un quelconque accident en chemin.

Activités productives

Chaque famille possède environ un hectare et demi de terre pour la production agricole destinée à l’autoconsommation, comme les haricots et le maïs, en plus de quelques plantations de citrouilles, d’arachides et d’hibiscus à vendre.
Depuis leur arrivée dans le Campeche, les Ixiles ont appris à reconnaître d’autres éléments, tels que les nouvelles plantes de leur environnement, le même climat chaud et humide à la saison des pluies ou sec au mois de mai, ce qui leur donne de nouvelles connaissances pour obtenir des ressources alimentaires et thérapeutiques.
Les membres de ce peuple indigène ont pu accéder à une carrière universitaire et travaillent professionnellement.

Fêtes

Ils célèbrent l’anniversaire de la fondation des villes dans lesquelles ils sont installés, ainsi que Pâques, la Toussaint (jour des morts), Noël et le Nouvel An.
Pour célébrer l’anniversaire des villages, on suit la structure organisationnelle qui y prévaut ; chaque groupe élit la reine de la fête du village qui sera présentée et proposée lors de la réunion hebdomadaire. Les jeunes candidates sont promues au sein du village en se promenant dans la communauté, elles sont présentées à la communauté et reçoivent leur vote devant chaque villageois. Pour l’achat des costumes, des trousseaux, l’engagement des musiciens, les boissons, la nourriture et les autres éléments de la fête, chaque groupe contribue à la partie économique proportionnellement au nombre de membres qui le composent.
Dans le Campeche, ils célèbrent le Jour de la Nature avec une cérémonie destinée à remercier la Terre Mère qui leur a fourni de la nourriture. La cérémonie a lieu près d’une rivière où les gens se rassemblent pour partager les produits récoltés, maïs, haricots, fruits et autres légumes. De cette façon, ils restituent spirituellement l’essence de ce que la Terre Mère leur a donné comme produit de leur travail. La cérémonie se déroule sans distinction de religion ou de peuple indigène.

Médecine traditionnelle

Ils pensent que de nombreuses maladies sont acquises par des causes surnaturelles ou sont le résultat de transgressions des normes morales. En cas de maladie, ils préfèrent s’adresser à un guérisseur plutôt qu’à un médecin allopathe.
Les guérisseurs jouent un rôle important dans la communauté : en plus d’être médecins, ils exercent des fonctions politiques et religieuses, et s’occupent également des maladies de l’esprit, comme les émotions fortes, la colère, la peur, la tristesse et la honte, la fièvre et le « mauvais œil ». Les femmes plus âgées qui accouchent sont appelées « sages-femmes ». Le bain temazcal est utilisé pour soigner les rhumes et les crampes et est fourni aux femmes en travail.

Les remèdes naturels sont utilisés en communion avec le milieu naturel dans lequel ils vivent. Tout d’abord, ils considèrent les qualités et les dualités du mal qui les afflige et, sur cette base, ils choisissent le remède et le moment approprié pour l’appliquer. En outre, ils tiennent compte des stades de la lune, du jour et de la date les plus propices pour recueillir et appliquer les remèdes, qui peuvent être d’origine végétale, minérale ou animale, ainsi que du lieu où effectuer la collecte et la cure.

En savoir plus sur les peuples mayas qui peuplent le GuatemalaD’autres liens pour compléter cet article :

Mon témoignage sur les massacres au Guatemala de Pierre Charasse

La milpa

La hutte à sudation

Les meules de pierre : le metate

Les Mayas du Guatemala

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