Art traditionnel des amérindiens : Les totems

Publié le 4 Décembre 2017

mât totémique (détail) des pensionnats, Kwakiutl pour rappeler la mémoire des enfants retirés à leurs familles pour se rendre dans ces pensionnats de la honte- Par Pierre5018 — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=58730371

Les totems sont des sculptures monumentales représentatives de l’art particulier des peuples autochtones de la côte nord-ouest du Pacifique, en Amérique du nord (Etats de Washington et de l’Oregon) et de la Colombie britannique au Canada. L’art représente des poteaux ou des piliers sculptés de symboles ou de figures et fabriqués dans de grands arbres (des cèdres rouges en majorité).

Le mot totem dérive d’un mot algonquien (Ojibwé) o dodem et signifie « groupe de parenté. »

Totems du MOA (musée d’anthropologie de l’université de Colombie britannique – By Arnold C – Own work, Attribution, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=837659

détail totem Gitksan –  By JERRYE AND ROY KLOTZ MD – Own work, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=24754115

Représentation

Les sculptures représentent ou symbolisent les croyances traditionnelles, elles racontent les légendes familiales ou des lignées ou encore des clans, des faits notables également.

Les poteaux servent de caractéristiques architecturales fonctionnelles, de signes d’accueil pour visiter le village, de vaisseaux mortuaires pour les restes des ancêtres décédés.

Ils illustrent le patrimoine culturel d’une famille ou d’un peuple. Ils sont d’une grande importance.

Nimkish village at Alert Bay-  Kwakiutl- Curtis – La figure au pied de la colonne au 1er plan avec la peinture sur la façade de la maison représente un corbeau. Lorsqu’une fête ou une danse se déroule dans cette maison, les invités pénètrent par le bec de l’oiseau dont la mandibule inférieure monte et descend sur un pivot. Lorsqu’un invité s’avance au-delà du pivot, son poids fait clore le bec et ainsi le corbeau mythique « avale » symboliquement les hommes de la tribu un à un.

Des peuples en particulier ont érigé des totems

Un scientifique Eddie Malin propose que le peuple Haïda Gwaii était à l’origine de la sculpture de pôles et que la pratique s’étend aux peuples Tsimshian et Tlingit puis l’art descend vers les peuples autochtones de la Colombie britannique et du nord de l’état de Washington.

Les familles des sculpteurs traditionnels viennent surtout des peuples HaïdaTlingitTsimshianKwakiutl, NuxalkNuu-chah-nulth.

Les troncs découpés sont très résistants à la pourriture des arbres, malgré tout en raison des conditions climatiques de la région, il reste peu de totems sculptés avant 1900.

Certains totems remarquables remontent à 1880, ceux du Royal British museau de Victoria, du Museum of anthropology de l’université de Colombie britannique à Vancouver.

Les plus grands totems sont les mâts totémiques, mais ils ne sont pas les seuls objets des peuples indigènes côtiers du Pacifique nord-ouest pour représenter la spiritualité, les légendes familiales, les êtres sacrés et les animaux, les événements historiques et culturels importants. Les expressions artistiques existent depuis fort longtemps et les premiers explorateurs européens circulant le long de la côte au XVIIIe siècle indiquent que les poteaux intérieurs et extérieurs décorés existaient avant 1800. Ils étaient néanmoins plus petits et moins nombreux que dans les décennies suivantes.

By John Newcomb, CC BY 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=54770713

Des outils en acier permettent l’épanouissement de l’art

Avant le 19e siècle et la colonisation, il manquait aux peuples des outils spécifiques et efficaces de sculpture, il leur manquait aussi la richesse et le loisir à consacrer à l’artisanat ce qui retarda le développement des poteaux autoportants minutieusement sculptés.

Avant le fer et l’acier, les indigènes utilisaient des outils en pierre, en coquilles, en dents de castor pour la sculpture dans un processus long et laborieux.

A la fin du XVIIIe siècle, l’utilisation d’outils de coupe en métal permet des sculptures plus complexes et une production accrue des totems.

Les grands mâts monumentaux apparaissent devant les maisons autochtones dans les villages côtiers à partir de cette époque semble-t-il.

Au XIXe siècle, le commerce et la colonisation américaine/européenne conduisent à la croissance de la sculpture totémique mais en même temps les politiques d’acculturation et d’assimilation des EU et du Canada entraînent le déclin du développement des cultures autochtones et de leur artisanat qui est lié aux rites et aux rituels.

Entre 1830 et 1880 les peuples s’enrichissent par le biais du commerce des fourrures, de la pêche, de l’exploitation minière et ils accumulent des richesses dont une grande partie est dépensée et distribuée lors de célébrations somptueuses nommées potlatchs, associées à la construction et à l’érection de totems.

village Haida- By George M. Dawson – This image is available from Library and Archives Canada under the reproduction reference number PA-037756 and under the MIKAN ID number 3368507This tag does not indicate the copyright status of the attached work. A normal copyright tag is still required. See Commons:Licensing for more information.Library and Archives Canada does not allow free use of its copyrighted works. See Category:Images from Library and Archives Canada., Public Domain, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=6866380

Un art réservé à l’élite/ Son interdiction /Le renouveau

By Rachael Ashe from Vancouver, Canada – Flickr, CC BY 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=745408

Les poteaux monumentaux étaient commandés par des chefs de famille riches pour représenter leur statut social et l’importance de leur famille dans les clans.

Au XIXe siècle la religion autochtone et la pratique du potlatch et des cérémonies tribales sont interdits ainsi que la sculpture des totems. Les sites abandonnés peu à peu sont laissés à la décrépitude et au vandalisme.

A la fin des années 1930 a lieu un renouveau culturel, linguistique, associé à l’intérêt des érudits er à la fascination et au soutien continu d’un public éduqué et emphatique ce qui permet de renouveler et d’étendre cette tradition artistique.

En 1938 le service des forêts des EU lance un programme de reconstruction et de préservation des anciens poteaux et en récupère 200 (un tiers ce qui se trouvait à la fin u XIXe siècle et au début du XXe siècle).

Dans les années 60/70, l’intérêt renouvelé permet de voir des totems fraîchement sculptés et érigés le long de la côte.

Au Thunderbird park à Victoria, à gauche totem Gitksan et à droite totem Kwakwaka’wakw By H at English Wikipedia – Transferred from en.wikipedia to Commons., Public Domain, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=2798872

Technique

Les sculptures des poteaux peuvent inclure des animaux, des poissons, des plantes, des insectes, des humains, des êtres surnaturels, ou thunderbird. Certaines symbolisent des êtres qui peuvent se transformer dans une autre forme apparaissant sous une combinaison d’animaux ou de formes partiellement animales/humaines, des symboles représentant le corbeau symbolisé avec un long bec droit, L’aigle au bec courbé, le castor représenté avec deux grandes dents de devant, le morceau de bois dans ses pattes et une queue en forme de pagaie.

Les figures sculptées s’emboîtent l’une au-dessus de l’autre pour créer la conception globale. De plus petites sculptures peuvent être placées dans des espaces vacants, être cachées dans des oreilles ou accrochées à la bouche des grandes figures.

A raven totem at Yan- Haida- Curtis- 

Il y a 6 sortes de totems de base différents :

Les mâts frontaux de la maison

Les poteaux de la maison intérieure

Les poteaux mortuaires

Les poteaux commémoratifs

Les poteaux de bienvenue

Les poteaux du ridicule et de honte

Totem des Salish de la côte à Wwhite rock– By Joe Mabel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=26018134

Le poteau frontal est le plus décoratif, il raconte l’histoire de la famille, du clan, du village qui le possède. ils sont connus comme poteaux à crête ou pôle de la famille et placés à l’extérieur de la maison du clan, des chefs du village les plus importants.

Le poteau intérieur est plus court que le poteau extérieur, il soutient une partie du toit de la maison et inclut une entaille au-dessus de la partie où le toit repose. Une maison de clan peut avoir 2 à 4 poteaux de maison ou plus. Ce sont des outils de narration pour les enfants et une aide pour raconter l’histoire familiale.

A Haida chief’s tomb at Yan- Curtis – Les restes du chef sont placés dans une niche creusée au sommet de la poutre transversale. Cette tombe est d’une forme inhabituelle et a dû être érigée à grand frais par la famille du défunt.

Le pôle mortuaire est le type le plus rare des mâts totémiques. C’est une structure mortuaire incorporant des boîtes de tombe avec des poteaux de soutien sculptés. Ils sont parmi les plus hauts et les plus importants. Ce sont surtout les Haïda et les Tlingit qui érigent des poteaux mortuaires à la mort de personnes importantes de la communauté. Les cendres ou le corps de la personne décédée sont placés dans la partie supérieure du poteau.

Kwakiutl village à Fort Ruppert- Curtis– Ce village de Tsahes fut fondé en 1849 lorsque la tribu abandonna Kalokwis dans l’île de Turnour afin d’être près du poste de la compagnie de la baie d’Hudson qui était en train de s’établir à fort Ruppert dans l’île de Vancouver. La colonne héraldique au 1er plan commémore l’histoire légendaire d’une famille Tsimshian.

Le pôle commémoratif se tient habituellement devant la maison du clan. Il est érigé un an après la mort d’une personne dans le but de l’honorer et d’identifier les personnes qui lui ont succédé au sein du clan ou de la communauté. Il y a une figure sculptée en haut et un chiffre supplémentaire ajouté au bas du poteau. Ils peuvent aussi commémorer un évènement.

Plusieurs totems commémorant ont été érigés par les Tlingit en l’honneur d’Abraham Lincoln dont l’un fut transféré à Saxman en Alaska en 1938. Le pylône de Lincoln à Saxman commémore la fin des hostilités entre deux clans Tlingit rivaux et le poteau symbolise l’espoir de paix et la prospérité à la suite de l’occupation américaine du territoire de l’Alaska.

Le poteau de bienvenue. On le trouve par exemple chez les Kwakiutl et les Nuu-chah-Nulth. On peut trouver de grandes poteaux sculptés de figures humaines, placés au bord d’un ruisseau ou d’une plage d’eau salée pour accueillir les invités dans la communauté.

Le poteau qui ridiculise

Les poteaux utilisés pour ridiculiser le public sont appelés pôles de la honte et créés pour embarrasser des individus ou des groupes pour leurs dettes impayées ou quand ils ont fait quelque chose de mal. Ils sont placés souvent à des endroits proéminents et enlevés quand la dette est payée ou que le mal a été corrigé. Le poteau représente la personne honteuse.

 Seward pole- Public Domain, https://en.wikipedia.org/w/index.php?curid=12256700

Un poteau de honte célèbre est le pôle de Seward au Saxman totem park en Alaska. Il a été crée pour faire honte à l’ancien secrétaire d’état américain William H.Seward pour ne pas avoir rendu la courtoisie ou la générosité à ses hôtes Tlingit à la suite d’un potlatch donné en son honneur. L’intention du poteau est indiquée par le nez et les oreilles peints en rouge pour symboliser l’avarice de Seward.

exxon shame pole

En 2007 un poteau de honte a été érigé à Cordova en Alaska et comprend le visage inversé et déformé de l’ancien PDG d’Exxon, Lee Raymond. Ce poteau représente la dette impayée de 5 millions de dollars en dommages et intérêts punitifs que le tribunal fédéral d’Anchorage en Alaska a déterminé qu’Exxon devait pour son rôle dans le déversement de pétrole de l’Exxon Valdez dans Prince William sound.

Totem à Prince Rupert- By Quinn Dombrowski – Flickr: Yup, it’s a totem pole, CC BY-SA 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=16960947

Source : wikipedia