Brésil : Le peuple Xokleng

Publié le 24 Mai 2020

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Peuple autochtone du Brésil vivant dans l’état de Santa Catarina. Les Xokleng de la T.I Ibirama à Santa Catarina sont les survivants d’un processus brutal de colonisation dans le sud du Brésil qui commença au milieu du siècle dernier et qui les a presque totalement anéantis. Malgré l’extermination de certains sous-groupes Xokleng dans l’état et l’enfermement des survivants dans une zone déterminée en 1914 garantissant ainsi la « paix » aux colons et l’expansion dans la vallée du rio Itajaí. Les Xokleng continuaient de lutter pour survivre à cette invasion malgré l’extinction des ressources naturelles de leurs terres et l’aggravation amenée par le barrage Norte.

Autodésignation : laklanõ

Population : 2020 personnes (2014)

Les noms

On leur a donné beaucoup de noms (botocudos, aweikoma, xokleng, xokrén, kaingang de Santa Catarina, aweikoma-kaingang….ce sont des noms dûs à la proximité entre les Xokleng et les Kaingang

Aujourd’hui nombre d’entre eux se déterminent comme laklano = les gens du soleil ou les gens légers.

Langue : xokleng de la branche sud de la famille linguistique jê, avec le kaingang.

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L’apprentissage de la langue est intégré dans les écoles de la T.I Ibirama depuis 1992. Un petit dictionnaire xokleng/portugais et une brochure de « légendes » dans les 2 langues a été produit avec l’aide de la Funai, de gouvernements locaux et de la fondation de l’université régionale de Blumenau, utilisé en classe. Avec cette initiative de l’apprentissage de la langue, les adultes qui ne connaissaient pas le xokleng écrit, les enfants qui ne parlaient pas la langue prennent conscience de l’importance de connaître leur langue et leur culture. Cette langue est depuis devenue un symbole politique important, liée à l’idée d’une source de pouvoir et la construction d’une identité ethnique positive.

Localisation et terres indigènes

La Terre indigène Ibirama est située le long des rios Hercilio (ex Itajaí do Norte) et Plate, dans une zone de forêt subtropicale autrefois (jusqu’en 1960) riche en cœurs de palmier.

  • T.I Ibirama- La Klanõ – 37.018 hectares, 2057 personnes, réserve déclarée. Santa Catarina. 3 peuples y vivent : Guaraní (langue tupí) (Guaraní Mbyá et Guaraní Ñandeva), Kaingang (langue jê) et Xokleng (langue jê). Villes : Doutor Pedrinho, Itaiópolis, José Boiteaux, Vitor Meireles.
  • T.I Rios dos Pardos – 758 hectares, 22 personnes. Réserve homologuée. Santa Catarina. Ville : Porto União.
doutor pedrinho santa catarina Por Raphael Lorenzeto de Abreu – Image:SantaCatarina MesoMicroMunicip.svg, own work, CC BY 2.5, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1150487

Le barrage Norte et l’inondation de la T.I Ibirama

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La construction du barrage Norte a endigué le rio Hercílio le long de la frontière sud-est de la T.I Ibirama, pour contenir les inondations dans les villes industrielles de la basse vallée de l’Itajaí (dont Blumenau). Le lac de contention a inondé presque 900 hectares des terres les plus plates et arables de la T.I, les Xokleng ont dû se déplacer vers les parties supérieures de la T.I où se trouve la forêt vierge et ils ont perdu leur possibilité de subsistance avec les zones de plantation  inondées. L’exploitation du bois de leur territoire commence à partir de là sur des fronts d’exploration délimités, favorisant les commerçants locaux et des employés de la Funai en plus de métis Kaingang. En 1997 la Funai organise une équipe interdisciplinaire pour récupérer les zones envahies par les sociétés d’exploitation forestière et redéfinir les frontières de la T.I. la tension est toujours grande et nécessite la présence des autorités pour arbitrer les conflits entre les bûcherons, les indiens et les colons.

Aujourd’hui le processus d’indemnisation des Xokleng pour l’inondation d’une partie de la T.I n’a pas progressé. Il n’y a pas eu de même la construction de maisons, de ponts et de routes qui étaient promises par le gouvernement.

Sur la T.I l’agriculture n’est plus pratiquée et la chasse est rare. La pêche sert de complément alimentaire avec la nourriture achetée.

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Organisation sociale

Sur la T.I Ibirama il y a 8 villages : Barragem, Palmeira, Figueira, Coqueiro, Toldo, Bugio, Pavão, Sede. Tous ont une autonomie politique et un vice-cacique. Il y a aussi un cacique qui représente l’unité des Xokleng devant les institutions pour établir des relations politiques. Les dirigeants sont élus au suffrage direct pour un mandat de 2 ans, ils ont le droit d’être réélus. Si la communauté est insatisfaite de l’un des dirigeants, elle peut l’enlever au moyen d’une pétition et en choisir un autre pour mettre fin au mandat. Si le chef fait un bon travail, il peut rester au pouvoir plus longtemps sans nouvelle élection.

Ils forment des microvillages nommés d’après les noms des familles élargies qui les constituent. Frères, beaux-frères, belles-filles, gendres vivent les uns près des autres, travaillent ensemble, chassent ensemble, partagent le fruit de la production ensemble, et les taches quotidiennes qui les maintiennent en vie.

Les relations entre Xokleng et non Xokleng au sein d’un même ménage ou d’une exploitation familiale élargie sont presque toujours conflictuelles.

Le leadership des familles élargies en général est exercé par les femmes les plus âgées qui choisissent les mariages pour leurs enfants, élèvent enfants et petits-enfants, coordonnent les taches ménagères.

Rituels

Ils se limitent de nos jours aux services de l’Assemblée de Dieu qui mobilisent quotidiennement une grande partie de la communauté. Il y a plusieurs groupes musicaux religieux qui chantent des gospel en langue xokleng.

Culture matérielle

Ils fabriquaient autrefois des récipients en argile cuite avec des rayures noires ou brunes, ils utilisaient des canots en bois dur et des jacas pour transporter les marchandises, ils fabriquaient de petits paniers pour garder les cendres mortuaires, des paniers enduits de cire d’abeille pour transporter de l’eau, de longues lances en bois avec des pointes acérées à double tranchant en acier, des cordes fines de fougère pour les ceintures de suspension du pénis, des colliers et des perles en noix de coco, des filets de pêche, de grands arcs en bois dur, des flèches de toutes sortes, des boutons en pierre et en bois pour la lèvre inférieure des hommes.

La culture matérielle est aujourd’hui produite pour l’utilisation immédiate. Les colliers et les ornements sont confectionnés pour les fêtes et jetés après utilisation. Il y a peu de production artisanale pour la vente. Les seuls instruments de musique encore fabriqués sont les hochets pour accompagner les chansons rituelles dont le contenu leur est parfois inconnu.

De nos jours, parce qu’ils sont croyants, les hommes ont les cheveux courts et portent des pantalons et des chemises, les femmes ont les cheveux longs et portent des jupes longues et des chemisiers.

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Cosmologie et mythologie

Ils croyaient aux esprits (ngaiun) et aux fantômes (kupleg) habitant dans les arbres, les montagnes, les courants, les vents et tous les animaux petits ou grands. Rencontrer des esprits pouvait être dangereux ou bien offrir de l’aide pour la chasse.

Le mythe Xokleng de la création de l’homme est toujours raconté. Divers personnages héroïques émergeant de plusieurs directions se réunissent pour célébrer et créer des animaux à partir d’arbres et de troncs. Inspirées par les formes et les dessins des peaux de ces animaux, les différentes marques ou dessins corporels des groupes exogames sont apparues.

Malgré les impositions et les craintes des dirigeants de l’Assemblée de Dieu, les mythes sont racontés, écrits dans des brochures et transmis aux enfants.

Chamanisme

Le rôle du chaman est à présent réduit à la famille immédiate. La formation est donnée par un proche parent et personne ne se vante de ses pouvoirs chamaniques. Les techniques thérapeutiques selon Giocoda Mussolini (1980) consistent au contraste entre le chaud et le froid, l’imposition des mains et l’extraction d’éléments du mal, surnaturel ou non causant la souffrance.

Dans l’étiologie Xokleng de la maladie, l’idée d’un agent étranger qui vient dévorer le corps et l’âme est centrale. La maladie et la mort peuvent être causés par des rapports sexuels interdits avec des personnes ou des esprits.

Actuellement une grande partie du travail médical effectué par les chamans a été transféré aux mains des pasteurs évangéliques (Xokleng) qui « purgent les démons » à travers des rituels de dépossession rappelant les techniques utilisées par les anciens chamans.

Source : pib.socioambiental.org

Historique du contact

Publié le 22 Mai 2020

Dès le début du XVIIIe siècle, la possibilité de relier le Rio Grande do Sul à São Paulo était déjà à l’étude afin d’améliorer le commerce entre les deux régions, d’accroître l’élevage et l’agriculture et d’ouvrir de nouvelles frontières. Ce territoire, formé par d’immenses zones de plateau, était traditionnellement occupé par les indiens Kaingang et Xokleng (ces derniers entre les 25ème et 30ème parallèles, et entre le plateau et la côte). En 1728, la route des troupes entre les deux provinces a été ouverte (avec essentiellement le même tracé que l’actuelle BR-116).

En 1777 apparaît la ville de Lages, où s’installent des élevages de bétail, l’exploitation et la culture de la yerba mate et l’exploitation du bois. La forêt indigène de ces hautes terres était l’araucaria, une source de nourriture pour les indiens Xokleng et Kaingang pendant les mois d’hiver. La réduction de la superficie des pins a menacé l’une de leurs principales sources de survie, puisque ces sociétés étaient des chasseurs et des cueilleurs. Les conflits ont commencé entre les blancs et les indiens, et entre les indiens eux-mêmes, qui se sont battus pour les territoires de la forêt de pins encore intacts.

Au cours du XIXe siècle, la colonisation européenne a commencé, d’abord dans le Rio Grande do Sul, qui a expulsé les Xokleng vers Santa Catarina, augmentant leur lutte pour le territoire et celle des Kaingang, puis vers l’ouest de Santa Catarina, son plateau et la vallée de l’Itajaí.

Selon Urban (1978), jusqu’à la première moitié du XIXe siècle, il y avait deux groupes Xokleng, les Waikòmang et les Kañre, qui constituaient des patrimoines, comme ceux existant chez les autres Indiens Jê, et même comme chez les Kaingang. Les Waikòmang tuaient les hommes des moitiés Kañre, incorporant à leur moitié Kañre des femmes et des enfants. Avec cela, le système d’héritage entre les Xokleng prend fin, laissant la subdivision en parents consanguins, apparentés et non apparentés.

Depuis lors, l’histoire politique des Waikòmang a été caractérisée par des conflits entre factions qui ont donné naissance à trois divisions dès la seconde moitié du XIXe siècle : l’une appelée Ngrokòthi-tõ-prèy, à l’ouest de l’État de Santa Catarina, à la frontière avec le Paraná, près de la municipalité de Porto União (SC) ; une autre au centre de l’État, près de la municipalité d’Ibirama, au bord du rio Hercílio (ou Itajaí do Norte), appelée  Laklanõ ; et une autre au centre, plus proche de la côte, près de la Serra do Tabuleiro, appelée Angying (Urban 1978). Santos (1973) signale l’existence d’une division Xokleng dans le sud de l’État, dans les municipalités de São Joaquim, Orleães et Anitápolis, qui, je crois, fait partie de la faction angélique.

L’occupation de ces territoires « traditionnels » Xokleng par les immigrants était conflictuelle ; dans la région de la vallée de l’Itajaí, par exemple, les colons ont été victimes de plusieurs agressions et leur climat d’insécurité a menacé tout le processus de colonisation.

Le pouvoir politique et religieux de la capitale se partage entre le soutien à l’extermination totale des Xokleng, pour garantir le développement de la région, et les puristes humanistes. Deux blocs divergents sont alors créés : l’un, constitué de frères capucins, tente de s’introduire dans l’arrière-pays pour catéchiser les indiens ; l’autre, constitué de bugreiros ou chasseurs d’indiens, des milices lourdement armées, créées par le gouvernement provincial en 1879, officiellement recrutées pour attirer les « Pacifiques » et les mettre en lieu sûr, mais dont le but est l’extermination. Les Xokleng étaient traités par les journaux de l’époque comme des « sauvages sans âme ».

Habituellement, les bugreiros attaquent par embuscade, la nuit ils tuent tous les adultes, épargnant quelques femmes et enfants, qui sont emmenés dans les villes de Blumenau, Florianopolis et d’autres localités, où ils sont baptisés et adoptés par des familles bourgeoises ou par des religieux, comme Monseigneur Topp, qui adopte un garçon Xokleng et fait valoir que les enfants doivent être épargnés pour, après leur formation, aider à attirer leurs proches. A cette époque, au début du XXe siècle, l’idée d’attirer les indiens et de ne pas les tuer se renforce, bien que dans les municipalités de Blumenau, Joinville, Lages, Orleães, entre autres, les indiens soient encore considérés comme un obstacle au progrès, et donc tués par des bugreiros.

En 1907, la Ligue patriotique pour la catéchèse de la forêt a été créée et en 1910, le Service de Protection des Indiens (SPI) a structuré les postes pour attirer les indiens.

Le premier contact non belliqueux entre les Xokleng et les employés du SPI a eu lieu vers 1911 au poste d’attraction du SPI dans la région de Porto União, sous la direction de la sertaniste Fioravante Esperança. Cette région, habitée par la division Ngrokòthi-tõ-prèy, était colonisée par les européens, comme cela s’est produit dans la vallée du rio Itajaí, et plus encore par les constructeurs du chemin de fer qui allait relier le Rio Grande à São Paulo. Les conflits entre les blancs et Xokleng étaient intenses. La « pacification » des Xokleng n’a duré qu’un an, car un jour sont apparus au poste d’attraction, où se trouvaient les Xokleng et les employés du SPI, deux agriculteurs locaux qui avaient participé aux précédents massacres contre les indiens. Ils ont été reconnus par les Xokleng, qui les ont tués, ainsi que les employés du SPI. Les Xokleng retournèrent dans les forêts et furent à nouveau contactés en 1918 par João Serrano, également du SPI, à un poste situé au bord de la rivière Pardos, près des municipalités de Calmom et Matos Costa. À l’époque, 50 Indiens ont été comptés, mais presque tous sont morts de maladies respiratoires résultant du comptage.

Le premier contact non belliqueux entre la  division Laklanõ de la haute vallée de l’Itajaí et les blancs a eu lieu en 1914 au confluent de la rio Plate et du rio Hercílio (Itajaí du Nord), où se trouvait un poste d’attraction. Il s’est déroulé par l’intermédiaire d’Eduardo de Lima e Silva Hoerhann, employé du SPI, qui a été surnommé « l’artisan de la paix » et qui a dirigé le poste jusque dans les années 1950. Selon ses rapports, dans les premières décennies après la pacification, les Xokleng ont continué à faire des incursions dans la forêt et parfois à se quereller avec les colons. Ils se présentaient sporadiquement au poste pour obtenir de la nourriture, des vêtements ou parce qu’ils étaient très malades. Les incursions des Xokleng dans les forêts de la région ont conduit à l’action des bugreiros, entretenue par le gouvernement et les compagnies de colonisation et les colons, qui a duré jusqu’au début de 1940.

Après les premiers contacts, les décès en masse causés par les épidémies ont conduit les Xokleng à quitter ce poste du SPI pour échapper aux maladies des blancs ; à cette époque, ils ont cessé d’accomplir deux rituels importants : la perforation des lèvres inférieures des garçons pour l’introduction du botoque (le plus important rituel d’initiation pour les hommes, clé de leur socialisation et de la construction de leur identité) ; et le rituel d’incinération des morts.

Selon Santos (1973), la division Xokleng, dans le sud de l’État, a été exterminée par des bugreiros en 1925. En 1949, trois survivants ont été contactés par des chasseurs entre les municipalités d’Orleães et de São Joaquim. Parmi eux, deux sont morts de la grippe et un a été emmené avec les Xokleng de Calmon. Les Xokleng de la Serra do Tabuleiro étaient considérés comme réticents à l’égard du contact jusqu’au début des années 70. Bien que l’on ait beaucoup parlé de leur existence dans la région, ils n’ont jamais été contactés, étant très probablement déjà morts ou intégrés dans la société nationale sans aucune trace ethnographique.

Les autres Xokleng du Rio dos Pardos, contactés en 1911 et recontactés en 1918, totalisent aujourd’hui environ 46 personnes. Ce n’est qu’en 1992 que la TI Rio dos Pardos a été identifié. En 1998, elle a été délimitée, mais pas encore approuvée. La zone délimitée est de 770 hectares. Cependant, ces terres sont toujours occupées par des colons, qui espèrent recevoir une compensation du gouvernement pour les quitter. Le terrain a déjà été exploité par des sociétés d’exploitation forestière, laissant peu de zones intactes. Les Xokleng de la région sont organisés en familles nucléaires (Pereira 1995). Ils vivent dans les villes de Calmon, Matos Costa et  sur la TI Ibirama. Ils sont travailleurs journaliers dans les fermes des colons locaux, ou domestiques.

Certaines familles gardent des cultures dans une petite zone de la T.I Rio dos Pardos, mais ne campent dans la région que pendant la plantation et la récolte, mais leurs maisons restent dans les villes. On espère qu’avec l’approbation de la TI Rio dos Pardos et le départ des colons, les Xokleng pourront revenir à une organisation socio-économique et politique plus unitaire. Seuls les Xokleng de la division Laklanõ ont survécu jusqu’à ce jour en tant que société différenciée. Cela est dû à l’histoire même des contacts entre les agents du SPI et les indiens, à la délimitation de leurs terres dès les années 1920, à l’augmentation de la population provoquée par l’arrivée de certains Kaingang du Paraná qui ont épousé des Xokleng, et au type même de colonisation de la vallée moyenne et supérieure du rio Itajaí. Là, la prédominance de la petite propriété, exploitée par des familles nucléaires d’origine allemande, italienne et, plus au nord, polonaise, a généré un type d’apartheid qui a « préservé » les Laklanõ comme un groupe très différencié, vivant en paix, puisque dans les limites de la T.I.

traduction carolita d’un extrait de l’article sur les Xokleng du site pib.socioambiental.org

Xokleng

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